Royaume-Uni : Perspectives budgétaires à moyen terme, la corde raide

Prévision OFCE
Conjoncture
Autrices, auteurs
Affiliation

OFCE, DAP

Date de publication

30 avril 2025

Ce post est issu du chapitre consacré au Roayume-Uni dans la prévision OFCE d’avril 2025

A leur retour au pouvoir en juillet 2024, les travaillistes ont mis en place de nouvelles règles budgétaires. La première est une règle dite de « stabilité », selon laquelle les dépenses courantes doivent être financées par les recettes courantes ; seul l’investissement peut être financé par l’endettement public. La deuxième est une règle dite « d’investissement », qui stipule que la dette du secteur public, nette des actifs financiers, doit baisser, rapportée au PIB à l’horizon de 5 ans.

Rachel Reeves, la Chancelière de l’échiquier, a souhaité qu’il n’y ait plus qu’un exercice budgétaire par an, à l’automne (au lieu de deux précédemment), en gardant une présentation au printemps, d’un document intermédiaire, le Spring Statement, basé sur une actualisation des prévisions de l’Office for Budget Responsibility (OBR), organisme chargé d’élaborer les prévisions économiques et budgétaires, à l’horizon de 5 ans, en intégrant les mesures de dépenses et de recettes annoncées par le gouvernement.

Le budget d’automne 2024 indiquait que les nouvelles règles budgétaires seraient respectées à l’horizon 2029. Mais depuis la croissance a été nettement inférieure à ce qui était prévu et l’OBR, dans le Spring Statement présenté le 26 mars dernier, a abaissé sa prévision de croissance du PIB pour 2025 de 2 à 1 %. De plus, les taux d’intérêt ont été un peu plus élevés que prévu. Pour l’exercice budgétaire 2024-25, ayant débuté en avril 2024, les taux d’intérêt sur les titres publics à taux fixe ont été, à 4,3 %, plus élevés de 0,2 point que prévu dans le budget d’automne, et, selon les prévisions de l’OBR, ils le resteraient à l’horizon 2029-2030 où ils seraient de 5,1 % (au lieu de 4,6 % prévus à l’automne). Compte tenu de la structure de la dette publique britannique, les charges nettes d’intérêt augmenteraient de 2,8 % du PIB en 2024-25 à 3 % en 2025-26 et à 3,2 % en 2029-30. Ces révisions ont fait disparaître les marges de manœuvre qu’avaient la Chancelière pour respecter ses règles budgétaires. Cependant, Rachel Reeves est restée ferme : ces règles budgétaires sont non négociables et elle n’augmentera pas les impôts cette année. Elle a donc fait le choix d’annoncer des baisses de dépenses et prioritairement de dépenses sociales. Ainsi, les conditions d’accès aux allocations aux personnes handicapées (Personal Independence Payments, PIP) seront progressivement durcies à partir de 2026-27, ce qui conduirait à une baisse de ces dépenses de 4,5 milliards de livres à l’horizon 2029-30 (soit 0,12 point de PIB). On dénombrait 3,7 millions de bénéficiaires d’allocation PIP en janvier 2025, les nouvelles règles en concerneraient 800000, l’objectif du gouvernement étant de faire revenir sur le marché du travail une partie de ces bénéficiaires, notamment parmi les jeunes. Cette mesure est fortement critiquée au sein des travaillistes et des organismes caritatifs, qui craignent une montée supplémentaire de la pauvreté chez des populations vivant déjà dans la précarité. Par ailleurs, la composante « santé » de l’allocation du crédit universel sera diminuée de 50 % pour les nouveaux bénéficiaires à partir d’avril 2026 et son montant sera gelé jusqu’en 2029-30, ce qui réduirait les dépenses de 3 milliards. Cette baisse sera cependant en partie atténuée par une hausse du crédit universel (hors composante santé) supérieure à l’inflation (soit un supplément de dépenses de 1,9 milliards en 2029-30). La croissance des dépenses publiques, hors investissements, sera rabotée à 1,2 % par an en volume à l’horizon 2029-30, contre 1,3 % précédemment prévu. Le gouvernement souhaite aussi réduire le nombre de fonctionnaires grâce à des gains de productivité attendus de la hausse de l’utilisation du numérique. La réorganisation du secteur public pour le rendre « plus productif et agile » permettrait 6,1 milliards d’économies à l’horizon 2029-30. Enfin, près de 1 milliard de rentrées fiscales seraient obtenues par la réduction de la fraude fiscale.

Selon le Spring Statement, le ratio des dépenses courantes (hors investissement) rapporté au PIB, qui était de 39,7 % en 2023-24, baisserait à 39 % en 2029-30. L’investissement public net serait de 2,7 % du PIB entre 2024-25 et 2026-27, avant de baisser à 2,4 % en 2029-30. Au total, le ratio de la dette du secteur public, nette des actifs financiers, qui était de 81 % du PIB lors de l’exercice budgétaire 2023-24, augmenterait à 83,5 % en 2026-27 avant de revenir à 82,7 % en 2029-30. Les marges de manœuvre restent donc faibles, au regard de la règle d’investissement, et surtout elles reposent sur une prévision de croissance du PIB à 1,9 % en 2026, puis de 1,7 % à 1,8 % par an jusqu’en 2030, ce qui paraît aujourd’hui bien optimiste. Le gouvernement continue de miser sur le retour de la croissance pour engranger des recettes publiques. Il espère aussi relancer l’investissement logement et celui des entreprises en allégeant les réglementations et en donnant des signaux favorables à l’activité des entreprises, tels que la construction d’une nouvelle piste à Heathrow. Lors de leur campagne électorale en 2024, les travaillistes s’étaient engagés à ne pas augmenter la fiscalité sur les personnes qui travaillent, avaient exclu de revenir sur les baisses du taux de cotisations sociales salariés mises en place par le précédent gouvernement, et s’étaient engagés à ne pas augmenter l’imposition sur le revenu et la TVA. Ils n’envisagent pas d’augmenter la fiscalité des entreprises au-delà de la hausse des cotisations sociales employeurs annoncée dans le budget d’automne 2024 et qui est entrée en vigueur ce 1er avril (+1,2 point, qui devrait rapporter près de 26 milliards à l’horizon 2029-30). Si des hausses de fiscalité devaient être décidées à l’automne prochain, les retraités sont en première ligne des cibles potentielles, mais après les remous suscités à l’automne par la réduction de l’allocation de chauffage, le gouvernement hésitera sans doute à s’engager dans cette voie.